Dérogation espèces protégées : nouvelles précisions sur la notion d’intérêt public majeur

Dans un arrêt du 30 décembre 2021 (n°439766), le Conseil d’Etat a une nouvelle fois affiné sa jurisprudence sur la possibilité de porter atteinte à des espèces protégées.

 

Pour rappel, un projet susceptible d’affecter la conservation des espèces protégées ne peut être autorisé à titre dérogatoire que s’il répond notamment, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur.

 

En l’espèce, le projet consistait à étendre une carrière de sable et le Conseil d’Etat a estimé qu’il ne pouvait justifier l’atteinte à 39 espèces protégées. Pour arriver à cette conclusion, la Haute juridiction juge qu’il n’est pas démontré qu'il n'existerait pas, notamment dans les autres départements normands, d'autres gisements de sable de nature et de qualité comparables et en quantité suffisante pour répondre à la demande dans le département ni que l'existence et la vitalité de la filière locale d'extraction et de transformation de granulats serait « mise en péril du seul fait d'être contrainte de s'approvisionner en dehors du département ».

 

L’exploitant ne démontre pas par ailleurs que l'acheminement du sable jusqu'aux centrales à béton du département entraînerait nécessairement un accroissement significatif des rejets de dioxyde de carbone et de particules polluantes.

 

Enfin, le Conseil d’Etat estime que l’impact sur l’emploi local (maintien de 3,5 emplois directs et création de 6 emplois indirects) n’est pas suffisant pour caractériser cette raison impérative d’intérêt public majeur puisque l’exploitation de la carrière peut être poursuivie.

 

Pour le Conseil d’Etat, le projet ne répond donc pas à un besoin spécifique et l'existence d'autres carrières dans un environnement proche suffit aux besoins de la filière locale de transformation de granulats.

 

Cet arrêt est dans la ligne jurisprudentielle actuelle qui se montre extrêmement restrictive dans son acception de cette notion d’intérêt public majeur, même si certains arrêts récents avaient pu laisser penser que les juges entendaient faire preuve d’un peu plus de souplesse (voir par exemple un arrêt du 3 juin 2020 qui avait considéré qu’un projet de carrière permettant notamment la création de 80 emplois directs et favorisant l’approvisionnement durable de matières premières était une raison impérative d’intérêt public majeur permettant de porter atteinte aux espèces protégées – CE 3 juin 2020, n°425395).